Poursuivons notre analyse d’une sanction récente de l’AMF, qui concerne, pour rappel,
une société de gestion de portefeuille (SGP) en capital investissement dans le domaine de l’investissement immobilier. Nous avons passé en revue lors d’un précédent blog :
La confusion des moyens entre sociétés d’un même groupe, incluant une SGP
Le non-respect du programme d’activité et des conditions de l’agrément
L’absence de procédure opérationnelle en matière d’investissement et de désinvestissement
Les dysfonctionnements du dispositif de gestion des conflits d’intérêts
L’AMF qualifie de ‘‘lacunaire’’ le dispositif de gestion des conflits d’intérêts (‘‘CI’’) de la SGP. Les griefs sont nombreux et concernent différentes situations.
Nous revenons ici sur le cas fréquent de la répartition des investissements entre les véhicules d’investissements de la SGP ou de son groupe d’appartenance. L’AMF explique clairement les lacunes en question.
A contrario, reprenons les éléments clés d’un dispositif qui nous semblerait complet :
Une politique décrivant le dispositif mis en œuvre concrètement par la SGP en matière de CI,
Une procédure relative aux CI, qui présente qui fait quoi, comment et quand en la matière au sein de la SGP et du groupe d’appartenance ;
Une cartographie des risques potentiels de CI, précise et complète, c’est-à-dire … qui recense bien tous les risques potentiels identifiés compte tenu de l’activité de la SGP, son organisation, son environnement … et non pas une liste de cas génériques applicables à toutes les SGP, dont on peut penser qu’ils pourraient plus ou moins s’appliquer en l’espèce,
Un registre des CI avérés, c’est-à-dire ceux effectivement rencontrés, et la manière concrète dont ils ont été gérés …
Une formalisation de l’identification et la gestion des CI (en particulier dans les dossiers d’investissement),
La gouvernance habituelle : comités d’investissement, comités consultatifs, RCCI, Direction générale, organes de surveillance de la SGP …
Cela peut sembler fastidieux. Cela nous paraît indispensable.
Ce dispositif s’applique aussi en cas de co-investissements (en particulier avec des entités liées, a fortiori des personnes physiques liées à la SGP etc.) et lors d’opérations entre les véhicules d’investissement. Dans ces cas, la mise en œuvre du dispositif relatif aux CI se double de celle concernant l’évaluation des participations / actifs concernés.
De même en cas de partage de moyens et de flux financiers intra-groupe (voir la sanction, paragraphes # 83 à 100).
Rien d’original.
Le dépassement des limites de frais de gestion définies dans les prospectus des fonds
Le point est particulier, et soulève plusieurs interrogations quant à la manière d’estimer (a priori), calculer, regrouper et lisser (ou non), puis présenter (a posteriori) les frais supportés par le véhicule d’investissement (sur un exercice, sur la durée de vie du fonds …). De même pour le grief reposant sur la notion de coûts ‘‘injustifiés’’, finalement écarté par l’AMF.
Disons à ce stade que là encore, mieux vaut :
Être très précis et décrire a priori (dans les documents constitutifs du véhicule d’investissement) ce que l’on va faire,
S’y tenir en le faisant effectivement et en le documentant
Informer le souscripteur a posteriori de tout ce que l’on a fait,
Documenter le tout.
Des manquements aux obligations en matière de commercialisation des produits
Les griefs retenus ici sont assez classiques : ils concernent l’ensemble de la documentation promotionnelle, commerciale, d’information ex ante … mise à disposition des souscripteurs, quel que soit le support : plaquette, publicités, bannières internet, rapports, vidéos, présentation ad hoc aux intermédiaires etc. Notons que l’AMF a identifié et analysé 210 documents différents, dont un tiers ‘‘présentaient une information non équilibrée’’. Non équilibrée s’entendant : entre les avantages, les performances passées et potentielles etc. et les risques, inconvénients, limites, contraintes etc.
Sur ce sujet, rappelons le principe essentiel : ‘‘l’équilibre de la documentation commerciale s’apprécie document par document et non de façon globale’’.
Dans ce contexte, l’AMF analyse ‘‘le contenu des documents commerciaux indépendamment les uns des autres’’.
Notre avis sur la question est qu’il vaut mieux un nombre limité de documents, que l’on aura rédigé avec soin, qu’un grand nombre dont il sera plus difficile d’apprécier la conformité individuelle.
Un manque de diligence et de loyauté à l’égard de la mission de contrôle
Signalons simplement qu’il est important de répondre ‘‘avec célérité et précision’’ (et non de manière ‘‘approximative et inexacte’’ et dans des ‘‘délais excessifs’’), à l’ensemble des demandes des contrôleurs, au risque d’un manquement aux obligations de diligence et de loyauté à l’égard de la mission de contrôle. Au risque aussi de perdre beaucoup de temps et d’énergie pour pas grand chose.
En résumé : ‘‘une bien belle sanction ma foi, comme on aimerait en voir … moins souvent’’.
Pour en savoir plus :
21/11/2019 : Sanction SAN 2019-15